Lancers Francs : Réflexions, contraintes et exercices
Les lancers francs : définition
Les lancers francs, cet exercice au combien particulier qui concentre beaucoup d’attention de la part des entraineurs et des joueurs. Ce shoot est au basket l’équivalent du pénalty au football. Il s’agit d’une réparation pour l’attaquant suite à une faute personnelle sur son tir. A noter que c’est le joueur victime de la faute qui tire. Chaque lancer franc marqué vaut 1 point pour l’équipe.
Il est possible d’obtenir également des lancers francs sur des sanctions autres telles que les fautes techniques et les anti sportives. De plus chaque faute sifflée en votre faveur lorsque l’équipe adverse est dans la pénalité (4 fautes d’équipes dans le quart temps) amène systématiquement 2 lancers francs. Le nombre de lancers francs peut cependant varier.
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Sommaire
- Les lancers francs : Un facteur clé
- Lancers francs : Les raisons de l’échec
- Lancers francs : Des clés de compréhension
- Lancers francs : Les solutions à l’entrainement
Les lancers francs : Un facteur clé
Il est aisé de comprendre que le lancer franc est un facteur clé d’une rencontre. Ils permettent en théorie de marquer beaucoup de points facilement. En règle général et indépendamment du niveau d’un joueur on estime qu’un pourcentage minimum acceptable aux lancers francs est de 65% à 70%. Mais le faible pourcentage est légion également c’est la raison pour laquelle obtenir plus de lancers-francs n’est pas gage de victoire.
Et c’est justement car cet exercice est censé être facile….qu’il en devient compliqué. Continuons la réflexion et mettons nous en situation de coaching.
Vous avez tous comme moi eu des moments de matchs ou c’est plié ! Vos joueurs n’ont qu’à marquer ce tir sans adversaire, à l’arrêt et qui plus est en face du panier. Ils se présentent plusieurs fois sur la ligne des lancers francs, il reste peu de temps à jouer et vos 6 points d’avance vont se maintenir sans problème voire s’accroitre. Mais voila que vos joueurs les ratent les uns après les autres. L’équipe adverse vous bat d’un point et la conclusion est sans appel : « On a fait du 8-23 aux lancers francs, chercher pas les gars vous le perdez la dessus ».
Avouez que cela nous arrange bien aussi car ce n’est donc pas de la faute du coach. Il y avait juste à marquer un tir de face. Pourtant tout était parfait, la stratégie avait été payante, vous dominiez oui mais voila cela n’a pas suffit. C’est par ailleurs amusant de constater qu’il est le premier élément mis en avant pour justifier des courtes défaites (moins de 5 points). L’équipe oubliant presque les 23 pertes de balles, les 3 tirs en courses seul loupés ou encore le 0/10 à trois points sans opposition. Ne faites pas une fixation sur le Dwight Howard de votre équipe, tout le monde ne peut pas s’appeler Mark Price, Elena Delle Donne (93% en carrière), Steve Nash ou Stephen Curry.
Lancers francs : Les raisons de l’échec
Toute la question qu’il faut désormais se poser est celle ci. Pourquoi un exercice censé être simple, devient-il central et problématique pour un grand nombre de joueurs ? Quels sont les paramètres parasites qui font des lancers francs un tir compliqué, perturbant voire handicapant pour certains.
Vous connaissez tous le « Hack a Shaq« , technique dans le championnat américain qui consistait à faire faute systématiquement sur un joueur ultra dominant (Shaquille O’Neal). L’objectif de cette technique étant de l’emmener aux lancers francs or c’était son maillon faible et elle avait l’avantage d’arrêter le chronomètre mais également d’empêcher l’équipe adverse de marquer des points sur jeu classique. Shaquille O’Neal tournant en moyenne à 50% de lancers francs marqués. Cette technique fut ensuite appliquée à d’autres joueurs. Tant et si bien que la NBA fut obligé de modifier les règles pour mettre fin à cette astuce au combien ravageuse pour le jeu.
Alors comment des joueurs pro peuvent ils se retrouver en échec sur un tir peu éloigné et sans adversaire ? Il existe de multiples paramètres et c’est surement cela qui crée la complexité de ce tir. Projetons nous la encore sur une situation de match et imaginons le contexte d’arrivée d’un joueur sur la ligne des lancers francs.
- Le joueur se retrouve sur la ligne, seul et à l’arrêt.
- Le joueur est parfois en situation de fatigue
- Il est indubitablement en état de stress
- La concentration doit être maximum, or, toute les conditions sont réunies pour qu’elle ne le soit pas.
La solitude
Et oui, qu’on le veuille ou non, cette situation la est « antibasket ». C’est un sport de course et de rythme. De plus les entraineurs sont unanimes pour exprimer l’importance de s’entrainer avec du rythme pour marquer des tirs. Ils sont également unanimes pour parler de travailler avec de l’opposition.
Par ailleurs et nous y reviendrons plus loin c’est aussi l’incohérence du discours des coachs qui met les joueurs en échec. Or qu’est ce qu’un lancer franc ? C’est clairement un tir à l’extrême opposée. Le joueur est seul (la encore situation non naturelle) et il n’a aucune contestation. J’irais même plus loin en affirmant que ces deux paramètres font qu’il sait lui aussi que c’est facile et donc…qu’il doit marquer.
La fatigue
Reprenons notre joueur ayant subit la faute adverse Il est donc aux lancers francs et le match est déjà commencé depuis pas mal de minutes. Après plusieurs sprint de suite et de belles dépenses d’énergies, dans quel état se trouve-t-il ? Il est essoufflé, il peut également être en situation de se remettre d’une douleur suite au contact. Tout cela l’amène sur une situation ou en peu de temps (15-20s) il doit reprendre ses esprits, retrouver la concentration et faire fi parfois de la gêne occasionnée par la douleur du contact. Mais est ce vraiment chose aisée lorsqu’il s’agit d’un exercice ou tout le monde l’attend ?
Est il également utile de rappeler que l’état de fatigue amène de l’essoufflement, des tremblements, un manque de lucidité. Tout ces facteurs sont indubitablement pénalisant au moment ou l’on doit effectuer une action qui nécessite l’exacte inverse (repos, stabilité et pleine conscience).
L’enjeu
OUI ! Il y a de l’enjeu lors d’un lancer franc ! En premier lieu celui de marquer car conscient ou non il y aura le jugement de tout le monde dans la salle. Peut être pas sur le premier lancer franc mais imaginons que j’en tire 5 ? 8 ? 10 ? Et cela le joueur le sait.
Ensuite il y a l’enjeu du match. Les lancers francs comme nous l’avons vu en introduction sont un apport de points inestimable pour gagner un match. En cumulé nous parlons ici potentiellement de 15-20 parfois 30 points au score final. Et que dire des lancers francs de fin de match lorsque le score est serré et que chaque faute subit permet à l’équipe de marquer des points ? On peut tout à fait envisager également que ce soit la consigne du coach que « d’aller chercher des lancers francs » en provoquant les fautes de l’équipe adverse.
Autre paramètre de stress : le public. L’ambiance peut être tout à fait gentille et cordiale mais deux situations opposées peuvent perturber le joueur. Le public peut mettre un vacarme assourdissant, parasitant le cerveau sur les éléments qu’il est censé ignorer. Mais il peut également décider d’observer un silence de plomb, révélateur de l’importance du tir ! Et quel effet efficace pour amener le joueur à se centrer sur la tension du moment.
Cet enjeu bien identifié est incontestablement un facteur TRES important qui perturbe l’efficacité des joueurs dans cet exercice(surtout quand le dernier lancer franc est le décisif).
La déconcentration
La déconcentration est intimement lié aux facteurs précédents. Que ce soit l’enjeu, la fatigue, ou la solitude ils influent sur un facteur clé pour marquer : celui de la concentration. Le joueur a besoin d’être concentré pour marquer. En premier lieu car on suppose suite aux propos précédent que ce n’est pas un tir comme un autre. Ensuite car cette concentration est le seul et unique moyen de gommer les 3 facteurs pénalisants. Etre concentré c’est gommer le stress lié à l’enjeu, gommer la solitude en se centrant sur l’action et gommer la fatigue en reprenant le contrôle de soi.
Comme nous allons le voir ensuite c’est probablement la clé de la réussite aux lancers francs. Toute la subtilité va être de trouver les solutions pour rester concentrer sans pour autant en faire un moment important ou spécial. Et c’est bien la tout le paradoxe du lancer franc. Il est un tir différent….et il n’est pourtant qu’un tir.
Lancers francs : des clés de compréhension
L’incohérence de l’entraineur
Le titre est un volontairement provocateur. Revenons au point précédent ou l’on parlait de l’incompréhension des échecs. Mais peux t’on prendre en même temps la position du « c’est un tir facile » et dans le même temps dire l’inverse dans nos discours ? Vous n’êtes pas d’accord ? Alors pourquoi est ce que nous le travaillons spécifiquement ? Pourquoi essayons de trouver des solutions spécifiques ? Pourquoi mettons nous de la tension plus que dans les autres tirs classique ?
L’objet de cette réflexion est ici de prendre la piste inverse. Finalement si le lancer franc est un tir particulier, acceptons l’échec. Tolérons auprès des joueurs qu’ils soient en difficulté sur cet exercice et travaillons pour en faire un atout. Partant de ce principe essayons réellement d’y consacrer du temps ! Car soyons honnête nous ne nous en occupons pas. Ce ne sont pas les 4 lancers francs entre 2 exercices dans la séance qui vont en faire des bons shooteurs de lancers. Idem en fin de séance quand vous discutez avec l’entraineur du groupe d’après pendant que vos joueurs doivent marquer 5 lancers francs avant d’aller à la douche.
Et si ce n’était pas si grave ?
Si c’est l’inverse alors dédramatisons le et faisons en un tir comme les autres. Et si on expliquait aux joueurs en difficulté qu’ils s’agit juste de la même gestuelle qu’un tir lambda ? Dés lors si le joueur est un bon shooteur, pourquoi ne le serait il pas au lancer franc si on lui explique que toute sa construction mentale sur la pseudo difficulté est fausse ?
J’ai l’intime conviction que c’est parce que nous nous en faisons un tir particulier qu’il le devient. Nous sommes nous mêmes entraineur les enclencheurs du stress. Nous sommes bien également ceux qui expliquent aux joueurs que ce n’est pas normal de raté un lancer franc. Or que se passe t’il si je vous demande de ne surtout pas imaginer d’éléphant rose dans votre tête ? Un bon gros éléphant rose se baladant en se dodelinant. Gros et Rose. Bien entendu vous n’avez pas vu d’éléphant rose ? C’est la même chose pour le lancer franc : Ne ratez pas vos lancers francs.
Lancers francs : Les solutions à l’entrainement
La question qui va se poser maintenant c’est de trouver des solutions pour travailler ce tir. Si l’on reprend posément ce que l’on a évoqué précédemment cela suppose donc qu’on doivent tout mettre en oeuvre pour :
- Dédramatiser (positiver les lancers, stopper les exercices sanctions, cesser de dire faut les mettre)
- Coller à la réalité du contexte « Lancer franc » (fatigue, gestion des émotions, routine etc)
- Répéter, répéter et encore répéter
Dédramatiser
Quelques pistes pour éviter dans la formation de vos joueurs de transmettre l’effet inverse de ce que vous désirez obtenir. Pour cela vous pouvez stopper les classiques mises sous pression. Ainsi en séance ne serait il pas plus positif de valoriser le lancer franc si il est marqué plutôt que de le sanctionner en cas d’échec ? Pourquoi ne pas mettre des points bonus lors des situations jouées ? De la même manière finissez en avec les exercices de lancers francs sanctions ! Ceux ou les copains court lorsque vous échouez…
Enfin cessez d’en parler en match, cessez de dire : les gars il faut les mettre. Ou le fameux : « prend ton temps ». Nous en revenons à notre éléphant rose de tout à l’heure. Ne pas focalisez dessus c’est également laissez le joueur appréhender lui même sa relation au lancer franc.
Lancers francs : Coller au contexte réel
Vous devez également trouvez des situations et des exercices ou vous allez travailler sans leur dire des facteurs de l’échec. Ainsi améliorer le lancer franc en les travaillant sous contraintes de fatigue intense. Mettez à profit des fins d’exercices ou des exercices spécifiques fatiguant tout en valorisant la réussite.
Puis à vous de voir comment le joueur peut trouver une routine qui lui convienne. Possiblement en n’en ayant pas d’ailleurs. Laissez libre choix à son joueur la encore c’est ne pas faire de particularisme ni de sacralisation du geste. Une donnée cependant semble importante, celle de maitriser son souffle et le relâchement des muscles. Prenons en exemple les routines ou les joueurs font de gros dribble…..juste avant d’exiger à leur corps d’être relâché pour le tir. Est ce pertinent ?
Pour les émotions et la concentration trouvez des astuces pour les travailler. Se servir des coéquipiers pour perturber physiquement ? moralement ? Ou bien au contraire imposer des séquences de lancer franc avec silence le plus total et le plus respectueux du shooteur. Tout n’est qu’histoire de variation et de feeling avec vos joueurs. Certains marcheront à certains stimuli, d’autres non.
La répétition
Enfin je ne saurais vous conseiller que de faire de la quantité, vraiment beaucoup de quantité sur toutes ces situations. Je reste convaincu que si les joueurs ne sont pas bons aux lancers francs c’est avant tout car ils ne le travaillent pas. Or si ils ne le travaillent pas, de qui est ce la faute ?
Je vous invite à cliquer et regarder la vidéo suivante pour compléter cet article et y trouver notamment quelques exercices qui vous permettront de varier vos méthodes d’apprentissage des lancers francs.
Pour terminer, une réflexion aussi sur l’exercice en lui même. Il n’y a pas d’exercice de visée plus grand que le lancer franc. Cela s’apparent comme on le disait à un pénalty mais aussi par exemple aux fléchettes ou au tir à l’arc. Or que font les sportifs de ces disciplines ? RIEN, pas de routine, juste positionner le projectile entre l’oeil et la cible et rester concentré 3-5 secondes avant de lâcher le geste. Mais nous dans le basket nous faisons des dribbles, des mouvements de jambes, de bras etc…. Et nous visons « visuellement » la cible qu’au dernier moment et pendant ….1 seconde ? peut être 2 ? Est ce que l’une des erreurs principales de l’échec ne se situerait pas la ?
Après il faut aussi prendre le paramètre du mental (Michael Jordan ne ratait pas les lancers francs important alors qu’il n’était pas un spécialiste de l’exercice). L’histoire de la nba et du basket en est truffé d’exemples alors peut être que finalement ce qui est important c’est de mettre LE lancer franc qui fait gagner…. 😉
Pour compléter voici un échange avec Emmanuel COEURET Coach professionnel sur le sujet.
3 commentaires
Le franc franc ne doit être considéré comme un plus, mais doit avoir une partie entière dans le jeu. Il doit avoir une place aussi importante que les autres aspects du jeu. Le « jeu » application fondamentale dans nos entraînements. On entend souvent dire que les entraînements doivent être plus durs que les matchs. Que l’on doit reproduire a l’entraînements, les situations que le joueur va retrouver en match. Incluons le lancers franc dans ces différentes périodes de jeu.
La routine me pose question également chez les jeunes. En match, c’est un moyen de prendre le temps de faire retomber les pulsations cardiaques, de se calmer par rapport à l’euphorie de la situation, voire par rapport à la frustration d’avoir manquer le panier à cause d’une grosse faute. D’un autre côté, je suis assez d’accord sur le fait que la routine peut accroitre la pression négative sur la nécessité de marquer. Mais je ne crois pas que ce soit un tir comme les autres puisque justement il est dans une situation originale : pas de défenseur et timing différent puisque on a 5 secondes pour tirer… Donc je ne sais pas si la routine est plutôt bénéfiques ou plutôt négative, ça doit dépendre de la capacité du joueur à se concentrer sur sa tâche je suppose. Merci pour cette vidéo encore très intéressante.
JJ
Oui Julien ce n’est évidemment pas un tir comme un autre. Je disais que cela en était un sur le plan de la technique et de la mécanique pour enlever de la pression au joueur. Pour la routine effectivement c’est la piste que je propose sans en avoir la réponse pour le moment ( du coup j’ai commencé une expérience avec deux groupes sur deux mois, je vous donnerai la réponse ensuite ;). J’aurais donc une petite idée non définitive après ce test.
Merci pour le commentaire !